A l'été 2020, le photographe et cinéaste français Raymond Depardon a posé sa chambre noire dans les villages de l'arrière-pays méditerranéen.
« Il y a une fortune dans le sous-sol », mais la fracturation hydraulique constitue « une catastrophe », a ajouté le photographe de l’agence Magnum, né en 1942 dans une famille de cultivateurs de Villefranche-sur-Saône, au nord de Lyon.
Face au tollé, le projet a été abandonné en 2011 et définitivement balayé par la justice en 2015, mais « cela peut revenir très vite », estime l’ancien reporter de guerre, qui documente depuis des décennies aussi bien la vie des présidents que celle des agriculteurs.
Libéré de l’immobilisme forcé du confinement, Raymond Depardon décide « tout seul » de sillonner ces zones éminemment rurales de l’Hérault, du Gard, de l’Aveyron et de la Lozère, cochant au marqueur fluorescent les villages visités.
Délaissant les appareils légers qui permettent les clichés pris sur le vif, comme ceux réalisés en 1961 et 2019 en Algérie et que l’on peut actuellement voir à l’Institut du Monde arabe (IMA) à Paris, il pose pendant des semaines sa lourde « chambre photographique » à soufflet et trépied devant les monuments aux morts de la guerre de 1914-1918 ou au creux des ruelles, se forçant à prendre le temps de l’observation.
« Presqu’au Mexique »
« L’idée, c’était de faire les pierres. J’avais envie de quelque chose d’un peu radical, d’un peu austère, car ces territoires ont un passé marqué par une certaine austérité » et par les vieux conflits entre catholiques et protestants, explique Raymond Depardon, qui possède une seconde résidence du côté de Lodève, dans le nord de l’Hérault.
« J’ai fait très attention à ne pas céder à la nostalgie, à l’éloge du passé », ajoute le photographe, même si les signes de modernité sont à peine perceptibles dans les grands tirages exposés.
Ses déambulations lui ont en tout cas permis de se rendre compte, dit-il aussi, que derrière l’apparente immuabilité de ces paysages, la vie évolue dans ces villages où « les gens retournent vivre ». Il veut y voir une « prise de conscience des choses positives de la pandémie ».
Plutôt que les paysans qu’il a si souvent filmés et photographiés, Depardon a donc choisi cette fois de montrer, dans un format vertical propre aux chambres obscure, un drap séchant au vent, à la fenêtre d’une maison à Saint-Martin-d’Orb (Hérault), le vieux « Café de la paix » de Mireval, près de Montpellier, une maison jouxtant une forêt profonde, dans le hameau de la Muse, à Mostuéjouls, dans l’Aveyron…
« Regardez ce clocher, on a presque l’impression d’être au Mexique », dit-il, à propos de l’église du Cros, dans le Larzac méridional. Et d’ajouter : « Les gens ne veulent pas voir le banal, pourtant, c’est intéressant,le banal ».