Affiche de l'expo de ORLAN aux Abattoirs de Toulouse
Affiche de l'expo de ORLAN aux Abattoirs de Toulouse - DR

Le corps, toujours politique, au cœur de l’œuvre d’ORLAN présentée à Toulouse

L'artiste française transdisciplinaire, pour qui l'art et l'intime sont "éminemment politiques", déconstruit les "diktats" de la société par une œuvre subversive, qui questionne l'image de la femme "sainte ou putain".

Le ou plutôt les corps d’ORLAN n’ont pas vocation à être “beaux” : l’artiste française transdisciplinaire, pour qui l’art et l’intime sont “éminemment politiques”, déconstruit les “diktats” de la société par une œuvre subversive, qui questionne l’image de la femme “sainte ou putain”.Chevelure mi-blanche mi-noire tirée en hauteur, comme si la gravité s’était inversée, et implants protubérants pailletés sur les tempes, ORLAN affirme être “née” en 1964.

“C’est le moment où j’ai commencé à prendre conscience de mon corps et de moi-même”, précise à l’AFP l’artiste qui crée cette année-là l’œuvre photographique “ORLAN accouche d’elle-m’aime”, à découvrir au musée des Abattoirs à Toulouse, jusqu’au 28 août. L’exposition présente aussi sculptures, vidéos ou peintures de l’artiste.

Elle refuse de dévoiler son âge biologique. “Dans la vie de tous les jours, il y a une injonction à rester jeune, surtout pour les femmes. Et à partir d’un certain âge, on devient invisible, on disparaît”, argue-t-elle.

Invisibles, sont aussi ces religieuses, rentrées “de force” dans les ordres au cours de l’histoire, que le visiteur découvre avec une série hommage de quatre sculptures de robes sans corps, dont les plis révèlent des vulves.

Statut du corps

“La colonne vertébrale de mon travail consiste à interroger le statut du corps dans la société via toutes les pressions culturelles, sociales, politiques ou religieuses qui s’expriment dans les chairs, particulièrement celles des femmes”, affirme ORLAN.

Et c’est en premier lieu, autour de son propre corps, que l’artiste construit son œuvre, comme dans Le Baiser de l’Artiste qu’on retrouve dans l’exposition.

Cette performance réalisée en 1977 lui vaudra un déchaînement de haine, mais aussi une reconnaissance dans le milieu de l’art, au-delà des frontières françaises.

Cette année-là, à l’occasion de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) à Paris, ORLAN s’assied derrière une photographie grandeur nature de son propre corps nu et propose aux passants des “french kiss” au prix de cinq francs. A côté, une autre représentation d’ORLAN, drapée en Sainte Thérèse.

Une façon pour elle de pointer la “dimension binaire des rôles assignés aux femmes, qui, aux yeux de la société patriarcale, sont soit des saintes, soit des putains”.

L’homme, lui, est à “l’origine de la guerre”. “Pas tous bien sûr !”, tient à préciser ORLAN, qui se plaît à détourner des chefs-d’oeuvre, pour souligner les “absurdités” de la société.

Ainsi le visiteur découvre dans un cadre identique au tableau L’Origine du monde de Gustave Courbet, un homme dont on n’aperçoit que le ventre, le haut des cuisses et le sexe en érection.

“Sale époque”

“On est dans une sale époque” : “Je trouve que les choses se referment. Il y a eu des évolutions, et #Meetoo a fait prendre conscience que beaucoup de femmes se taisaient et subissaient des choses absolument abominables. Mais il y a encore beaucoup, beaucoup de travail à faire”, juge ORLAN.

Bousculant sans cesse les “diktats” du sexisme et de la “normalisation” de la beauté, elle se sert de la chirurgie esthétique sur son propre corps pour en faire “un lieu de débat public”.

“Qu’est-ce que c’est que la beauté ? Qu’est-ce qu’un corps monstrueu x? J’ai sans cesse essayé de re-figurer, de défigurer le corps”, confie ORLAN.

En 1993, lors d’une performance filmée et retransmise en direct à la galerie Sandra Gering de New York ou le Centre Pompidou à Paris, elle se fait poser des implants aux joues et aux tempes, une façon pour elle de se construire à rebours du conformisme et du “masque de l’innée”.

S’opposant aux déterminismes naturels jusqu’au bout, non sans une pointe d’humour parfois, ORLAN intègre la mort dans sa réflexion artistique.

“J’ai fait une pétition contre la mort, je pense que c’est insupportable, qu’on devrait tous se révolter”, dit-elle.

“Certaines espèces de baleines peuvent vivre 300 ans, alors que nous, humaines, avons tiré la courte-paille, regrette-t-elle. Mais avec l’avancée de la génétique (…) je pense qu’à un moment il va y avoir la mort de la mort, ou en tout cas, une longévité beaucoup plus grande”.

Et de préciser : “J’aime la vie, je saurai quoi faire, je ne m’ennuierai pas !”

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