Musée de l'Armée aux Invalides, à Paris
Musée de l'Armée aux Invalides, à Paris - Wikicommons

La photographie de guerre, ses usages, et ses femmes photographes s’exposent à Paris

Informer, dénoncer... quitte à mettre en scène et manipuler : le musée de l'armée à Paris retrace l'histoire des rapports complexes entre guerre et photographie tandis que celui de la Libération présente le travail de huit rares femmes photographes de guerre.

Plaques de verre, planches, albums, portfolios, portraits, vue stéréoscopiques, petits et grands formats jusqu’aux images satellites de Google Earth : intitulée “Photographies en guerre”, l’exposition du musée de l’armée, visible jusqu’au 24 juillet, réunit plus de 300 clichés faisant le récit d’une construction médiatique de la guerre à travers l’image.

Parmi eux, deux icônes de la photographie de guerre, emblématiques de la propagande des belligérants pour rallier l’opinion publique : celle d’Evgueni Khaldeï, correspondant de guerre pour l’agence Tass et photographe officiel de l’armée rouge, montrant un “drapeau rouge (soviétique) sur le Reichstag” à Berlin le 2 mai 1945; et celle de Joe Rosenthal, de l’agence Associated Press, qui suit l’armée américaine dans le Pacifique à partir de 1944 : des Marines hissant le drapeau des États-Unis sur le mont Suribachi, lors de la bataille sur l’île japonaise d’Iwo Jima le 23 février 1945.

Diffusées immédiatement dans les presses américaine et soviétique, puis publiées dans le monde entier sur de multiples supports (cartes postales, affiches, timbres, bons du trésor…), ces deux clichés ont pourtant été “rejoués ou recomposés a posteriori”, comme on le sait aujourd’hui, explique à l’AFP Mathilde Benoistel, l’une des commissaires de l’exposition.

Le parcours, chronologique, illustre aussi l’essor du photojournalisme, à la faveur de la guerre de Crimée (1853-1856), lorsque les photographes de guerre sont envoyés sur le conflit pour couvrir la vie quotidienne et que la photo devient une vraie source d’illustration pour la presse.

“Infosphère”

Du Siège de Rome (1849) à l’actuelle guerre en Syrie, en passant par la guerre de Sécession, la guerre de 1870, les deux conflits mondiaux, la guerre du Vietnam, la Guerre Froide ou encore les guerres de décolonisation, l’exposition présente le travail de photographes amateurs et professionnels en confrontant la singularité de leurs regards et de leurs objectifs.

Parmi eux : Margaret Bourke-White, Gerda Grepp, Lee Miller, Robert Capa, Paul Corcuff, Marc Riboud, Don McCullin, Gilles Caron, Nick Ut, Yan Morvan, Laurent Van der Stockt, Richard Mosse, Émeric Lhuisset ou encore Michel Slomka.

De nombreux documents jamais montrés au grand public abordent des thèmes aussi divers que l’évolution de la presse au XXe siècle, le mythe du photojournaliste, la conquête de l’opinion publique, l’image privée, la théâtralisation de la mort, la véracité de l’image, l’éthique du photographe, l’évolution de son statut et l’émergence de la notion d’auteur.

“Avec un parallèle entre les images d’époque et des oeuvres contemporaines”, souligne le photographe français indépendant Michel Slomka, interrogé par l’AFP, en évoquant l’évolution formelle de la photographie et la difficulté d’appréhender ““ l’infosphère ” contemporaine: des milliards d’images et de données circulant quotidiennement, devenues le “ nouveau nerf de la guerre ” “.

La Seconde Guerre mondiale offre aux femmes photographes et journalistes la possibilité de remplacer les hommes incorporés mais l’autorisation de photographier sur le front leur est refusée.

De la mode à la guerre

Certaines personnalités comme Lee Miller (1907-1977) qui couvre la guerre pour le magazine de mode Vogue, surmontent toutefois ces difficultés et ouvrent l’acceptation des femmes dans ce métier, explique une autre exposition, qui consacre huit d’entre elles au musée de la Libération jusqu’au 31 décembre.

Il s’agit de Gerda Taro (1910-1937), pionnière du photojournalisme morte en pleine guerre civile espagnole à 26 ans, Lee Miller (1907-1977), accréditée auprès de l’armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale, Catherine Leroy (1944-2006), immergée dans les rizières en pleine guerre du Vietnam, Christine Spengler (née en 1945), Françoise Demulder (1947- 2008), Suzan Meiselas (née en 1948 aux Etats-Unis), Carolyn Cole (née en 1961 aux Etats-Unis) et Anja Niedringhaus (1965 – 2014).

De 1936 à 2011, du Vietnam à l’Iran, de l’Afrique à l’Irlande du Nord, leurs “huit regards singuliers ont un point commun: faire apparaître publiquement ce qui se passe réellement sur le champ de bataille et à l’arrière du front, au plus près du réel et des gens”, explique à l’AFP Sylvie Zaidman, directrice du musée.

Musée de l’Armée, plus d’infos ici.

Musée de la Libération de Paris, plus d’infos ici. 

Partagez cet article sur

Retour haut de page