Rebecca Marder et Nadia Tereszkiewicz dans « Mon Crime », de François Ozon
Rebecca Marder et Nadia Tereszkiewicz dans « Mon Crime », de François Ozon - Copyright Carole Bethuel

Avec “Mon Crime”, François Ozon célèbre la sororité dans le combat féministe

Dans les années 30, une jeune actrice est acquittée pour légitime défense du meurtre d'un célèbre producteur, après la plaidoirie de sa meilleure amie avocate: pour François Ozon, "Mon Crime", en salles mercredi, est "le triomphe de la sororité si importante dans le combat féministe".

“C’est intéressant de montrer comment deux jeunes filles qui s’entraident libèrent la parole à cette époque-là. En s’accusant à tort, elles utilisent des chemins de traverse pour défendre avant tout une cause noble”, souligne à l’AFP le réalisateur, qui signe aussi l’adaptation de cette pièce de 1935 de Georges Berr et Louis Verneuil.

Cinéaste prolifique et éclectique aimant bousculer les conventions, François Ozon s’offre une nouvelle fois un casting 5 étoiles : Isabelle Huppert en extravagante star déchue du cinéma muet, Fabrice Luchini, Dany Boon, André Dussollier, Michel Fau…

Deux jeunes actrices décrochent les premiers rôles : Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder. Toutes deux ont été en compétition pour le César 2023 du meilleur espoir. Nadia Tereszkiewicz a été récompensée pour Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi.

Après 8 Femmes (2002) sur le patriarcat et Potiche (2010) avec Catherine Deneuve en ménagère qui s’émancipe, François Ozon estime que Mon Crime boucle “une trilogie de comédies sur la condition féminine”.

“Le film se passe dans les années 30, époque glorieuse pour les femmes criminelles qu’on regarde bien différemment aujourd’hui. Violette Nozière a été considérée longtemps comme un monstre. On s’est rendu compte qu’elle a finalement tué son père pour inceste…”, observe le cinéaste.

Pouvoir et emprise

Dans Mon Crime, l’héroïne principale s’accuse d’un meurtre dans l’espoir de lancer sa carrière. Le procès défraie la chronique en devenant celui du machisme ordinaire.

Une fois la légitime défense reconnue par la cour d’assises, aux balbutiements du féminisme, Madeleine connaîtra gloire et succès, jusqu’à ce que la véritable meurtrière, jalouse de sa notoriété, se dénonce enfin.

“J’ai pensé qu’il y avait matière à faire de cette pièce un film qui résonne avec la société d’aujourd’hui, en abordant les rapports de pouvoir et d’emprise entre hommes et femmes”, explique François Ozon. Le cinéaste a choisi le prisme de la facétie et de la légèreté, avec des situations cocasses et des dialogues pétulants, le tout servi par une reconstitution soignée des années 30.

“Pour moi, le film idéal doit à la fois toucher le plus grand nombre et permettre la réflexion”, estime François Ozon qui, avec Grâce à dieu (2019) s’est attaqué aux abus sexuels dans l’Eglise. Deux ans plus tard, en compétition officielle à Cannes, il signait Tout s’est bien passé, portrait vibrant d’un père malade demandant à sa fille de l’aider à mourir.

“Tant mieux si ces deux films ont pu servir à une prise de conscience…”, souligne le cinéaste. “Sur le droit de mourir, c’est aux politiques de suivre la volonté des citoyens, mais la France est encore très imprégnée par le catholicisme… Les politiques manquent de courage…”, regrette-t-il.

Vingt ans après 8 Femmes, Mon Crime marque les retrouvailles avec Isabelle Huppert. “On ne lui donne pas assez de rôles comiques… Quand elles sont en confiance, les actrices sont prêtes à prendre des risques. Je suis chanceux !”, estime celui qui a rendu Catherine Deneuve élégante en jogging dans Potiche.

Malgré des nominations presque systématiques aux César, François Ozon n’a encore jamais été récompensé : “Mes films rencontrent le public, c’est l’essentiel… On me donnera un César d’honneur posthume et je serai très content !”.

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