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Tricatel, le label qui refuse de normaliser sa musique

"On met la pression à nos artistes pour qu'ils ne se normalisent pas": Bertrand Burgalat, patron de Tricatel, célèbre jeudi en concert au Cabaret Sauvage la singularité d'un label qui hébergea Valérie Lemercier ou Michel Houellebecq.

La salle parisienne vibrera pendant trois heures et demie au son des protégés maison, toujours pas disposés à rentrer dans les cases comme Chassol ou Catastrophe. Retour sur des artistes charnières de Tricatel, né en 1995.

Houellebecq, “formidable mais compliqué”

La tournée des plages de Michel Houellebecq en 1999, accompagné de musiciens, est un des faits de gloire de Tricatel. “C’était vraiment formidable, mais compliqué, je n’aurais pas la santé pour recommencer, on a été les premiers à être confrontés au Houellebecq d’après le succès littéraire”, glisse à l’AFP le patron du label.

La lecture de Tricatel Universalis (éditions Maison Cocorico), bible du label, documente la mue de l’écrivain à cette époque en animal rock’n’roll, entre dérapages plus ou moins contrôlés.

Burgalat préfère d’autres souvenirs : “Le lendemain de notre concert au Printemps de Bourges en 2000, plutôt pas mal pour moi, La Nouvelle République écrit que c’est un “naufrage”, car oui, Michel (Houellebecq) ne saute pas sur scène comme Cali (rires). J’avais caché un peu le journal, Michel le trouve au petit-déj’, le lit et le replie avec une indifférence totale”.

Valérie Lemercier, “courageuse” face aux “malentendus”

Encore une artiste qu’on n’attendait pas au micro. La comédienne, alors compagne de Burgalat, chantera des morceaux écrits à l’origine pour d’autres.

Burgalat se remémore une “Valérie très courageuse face à certains interlocuteurs”, comme la maison de disques à qui Tricatel délègue la distribution du disque Valérie Lemercier chante (1996). “Nous, on voulait montrer que ce n’était pas un disque gadget d’une célébrité, mais nos interlocuteurs ont creusé les malentendus”.

“Le premier single choisi, Goûte mes frites, écrit à l’origine pour une ado, n’est pas le plus représentatif du disque et l’a mise dans un truc kitsch, avec une promo au Virgin Megastore derrière une baraque à frites… Valérie a été stoïque”.

Chassol rend “fluide les choses complexes”

Le projet de ce musicien francilien aurait pu tourner au concept fumeux. Le multi-instrumentiste enregistre des enfants dans une cour de récré, une salle de jeux d’arcade au Japon, une virée en grand huit, etc., puis met en musique ou harmonise ces sons de la vie réelle.

Signé chez Tricatel depuis 2012, il tourne en France et à l’étranger. Solange, soeur de Beyoncé, l’a même convié en première partie au Radio City Hall à New-York et sur son album When I get home.

“Son succès vient de son talent, mais aussi de sa présence, il rend fluide les choses complexes, il peut faire des choses périlleuses musicalement et on ne s’en rend pas compte”, salue Burgalat.

“Des projets comme celui-là, si on ne le fait pas, ça risque de ne pas voir le jour, et une fois que ce travail est fait, ça devient une évidence pour ceux qui n’y croyaient pas au départ”.

Catastrophe, “brillants, libres”

Il fallait voir ce collectif déjanté subjuguer le public allemand au festival défricheur du Reeperbahn à Hambourg en 2019. Dans un passage fou, la chanteuse Blandine Rinkel avale les mots des maux du public écrits sur des petits papiers pour tourner la page poétiquement.

“Ils sont brillants, libres, en tant que label on est vigilant pour que nos artistes ne soient pas ramenés à ce qui se fait déjà, on met la pression à nos artistes pour qu’ils ne se normalisent pas”, sourit Burgalat.

En mars 2020, Chassol fut le dernier musicien du dernier festival, celui des Inrocks à Paris, avant la fermeture des salles de concert en raison de la crise sanitaire du Covid. Et Catastrophe fut le premier groupe à passer dans ce même festival pour la réouverture de L’Olympia en juin 2021. Tout un symbole.

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