Le coffret Léo Ferré « Les paroles et le geste »
Le coffret Léo Ferré « Les paroles et le geste »

Léo Ferré, “une œuvre qui vous change”, selon son fils Mathieu

"Quand vous tombez dans la marmite, c'est une œuvre qui vous change": pour les 30 ans de la mort de Léo Ferré, son fils Mathieu a supervisé une anthologie de 431 titres couvrant les différentes périodes de l'artiste.

“Léo, ça se mérite. C’est une écriture sophistiquée, complexe, ce n’est pas de la musique à mettre sur la platine pour faire du repassage”, glisse à l’AFP Mathieu Ferré, 53 ans, joint au téléphone en Toscane, là où son père s’était installé les 20 dernières années de sa vie.

Le coffret Léo Ferré, les paroles et le geste, récemment sorti, qui n’englobe pas toute l’œuvre gargantuesque, comprend 24 CD, soit 431 titres enregistrés entre 1948 et 1990. Le tout accompagné d’un livret de 48 pages rédigé par Alain Raemackers, spécialiste du répertoire et illustré par un pochoir de Jef Aérosol, un des pionniers du street art français.

Le CD Sur scène regroupe les 21 titres dont il n’existe qu’une version live, captés entre 1958 et 1988. Sept CD Les Poètes présentent la mise en chanson des oeuvres d’Aragon, Apollinaire, Baudelaire ou encore Rimbaud.

A noter aussi dans cette somme, dirigée par Alain Raemackers, trois inédits : Que reste-t-il de nos amours ? tirée d’une archive radio de l’Ina (Institut national de l’audiovisuel) de 1980, L’Émigrant de Landor Road, archive familiale de 1984 et Aragon et la composition musicale, lecture extraite d’une archive radio de l’Ina de 1988.

Prémices du rap

“Quand vous tombez dans la marmite, c’est une œuvre qui vous change, dans la façon de voir les choses, de vous poser par rapport aux autres”, dissèque Mathieu Ferré, patron des éditions musicales La Mémoire et la Mer, fondées par Léo Ferré un an avant sa disparition le 14 juillet 1993 à 76 ans.

Cette anthologie permet d’apprécier uneœuvre qui est tout sauf monolithique, loin d’un titre comme Avec le temps essoré à la télévision lors des hommages.

“Léo est seul au piano, ou avec un orchestre symphonique, ses chansons ne se résument pas à couplets-refrain. Léo a abordé tous les styles, il y a de longs textes psalmodiés”.  Le Chien, en 1970, peut s’entendre comme les prémices du rap. “Je laisse cette comparaison à d’autres, sinon ça pourrait donner l’impression que je voudrais récupérer le rap”, prévient son fils.

Le coffret balaye donc l’idée reçue d’une austérité musicale. Léo Ferré, fan de Ravel et Debussy, qui se voulait d’abord musicien, accorde un grand soin à ses arrangements.

Le Chien aux accords d’abord free-jazz s’achève sur des guitares psychédéliques très rock (titre de près de 7 minutes).

Jimi Hendrix, Pink Floyd

Le livret rappelle qu’il avait voulu collaborer avec Jimi Hendrix. “Léo avait aussi émis l’idée de travailler avec les Moody Blues (groupe de rock britannique), avec les Pink Floyd, mais ça ne s’est pas fait”, raconte Mathieu Ferré.

Il se déclare “toujours surpris quand les gens disent que Léo c’est déprimant, c’est assez étrange pour moi cette étiquette, ce cliché”. “Moi je retiens son côté un peu utopiste. Oui, c’est parfois mélancolique, mais moi je trouve que c’est rempli d’espoir en définitive”.

“Léo avait ses pieds et son cœur rivés dans la société dans laquelle il vivait, qui n’était pas tout le temps rose. Mais, dans la chanson Il n’y a plus rien, il dit qu’un jour, Nous aurons tout”.

“La preuve, les artistes de la génération de Léo voyaient leur public vieillir avec eux alors que le public de Léo ne cessait de rajeunir”. Aujourd’hui, un chanteur comme Eddy de Pretto, à l’écriture crue, revendique Léo Ferré comme une de ses influences.

En cette année anniversaire, Mathieu Ferré est “chagriné par le peu d’émissions radio et télé importantes” consacrées à son père. “Léo dérange certaines bonnes consciences, je ne vois que cette option”.

Partagez cet article sur

Retour haut de page