La grande entrée de la chefferie Bafou
La grande entrée de la chefferie Bafou © La Route des Chefferies, photo Perez

A la découverte des chefferies du Cameroun et de leur patrimoine sacré

Une exposition inédite à Paris présente à partir du 5 avril au musée du Quai Branly le patrimoine de chefferies du Cameroun.

Certains objets ont donné lieu à un rituel avant de voyager, d’autres n’ont pas été autorisés à partir par les “initiés” : une exposition inédite à Paris présente à partir du 5 avril le patrimoine de chefferies du Cameroun.Architecture monumentale, forge, masques, bijoux, statues ornementales et rituelles, totems, coiffes chatoyantes, tenues traditionnelles… Quelque 270 objets sont présentés au total au musée du Quai Branly, explique à l’AFP Sylvain Djache Nzefa, commissaire-général.

Intitulée “Sur la Route des chefferies du Cameroun, du visible à l’invisible”, l’exposition présente jusqu’au 17 juillet l’art des communautés établies sur les hauts plateaux des Grassfields, à l’ouest et au nord-ouest du pays, “un patrimoine unique, historique et vivant conservé par les chefs traditionnels de ces entités socio-politiques”, dont 24 ont prêté des oeuvres et une trentaine ont participé à la conception de l’exposition, précise-t-il.

Ancêtres

Parmi ces chefs investis de pouvoirs quasi divins, garants de la tradition et du lien entre le monde des ancêtres et celui des vivants, sa majesté David Simeu, à la tête de la chefferie Bapa, venu à Paris pour l’occasion, se réjouit de “pouvoir présenter au public ce patrimoine universel”.

Un exemplaire de son trône, richement décoré, côtoie d’autres objets royaux. Logé dans un renfoncement, un mystérieux “masque de danse mystique Kun’gang”, l’une des sociétés secrètes les plus puissantes et actives dans les Grassfields, “a dû faire l’objet d’un rituel avant de pouvoir voyager”, souligne le chef Simeu à l’AFP.

“Nous avons eu plusieurs réunions avec les notables pour décider quels objets pourraient voyager ou pas”, raconte-t-il. “De grandes calebasses en terre cuite, qui servent traditionnellement à la purification par les plantes médicinales, n’ont pas été autorisées à quitter le pays”, ajoute-t-il.

“Quand on a rassemblé les oeuvres pour l’emballage au départ à Bafoussam (chef-lieu de l’ouest camerounais, ndlr) des masques “ pleuraient ”, il y avait une inondation. Nous avons dû faire venir des notables, investis d’un pouvoir sacré et qui accompagnent le chef dans la gestion du royaume, afin de réaliser un rituel”, affirme aussi à l’AFP Rachel Mariembe, commissaire associée à l’exposition.

“Des antidotes ont aussi été utilisés pour les personnes non initiées et les femmes, afin qu’elles puissent travailler sur les objets à Paris”, ajoute-t-elle.

Conçue comme un voyage à l’intérieur d’une chefferie traditionnelle, lieu le plus sacré du village, “pour refléter la cosmogonie des peuples des Grassfields”, selon M. Djache Nzefa, l’exposition s’ouvre en franchissant un immense porche traditionnel.

Magie

Deux colonnes incurvées en forme de défenses d’éléphant sculptées encadrent cette entrée monumentale, dotée d’un linteau sur lequel plusieurs toits pointus symbolisent les membres des conseils des “initiés”, notables et religieux.

Il ouvre sur un chemin -ou “axe de vie”- aux murs peints d’une fresque évoquant des scènes de vie, les éléments fondateurs de la société et des animaux totem – tortue, panthère ou serpents -, selon “une implantation spatiale très codifiée qui relie les ancêtres et les vivants au coeur d’un pouvoir invisible”, explique le commissaire.

Le parcours mène au “palais” et, derrière lui, à la “forêt sacrée”. Il est jonché de “symboles” et passe par différents pavillons dédiés à la forge, aux bijoux, aux calebasses ou à la production textile.

“Une case patrimoniale ou musée communautaire installé dans chaque chefferie raconte les rapports entre l’homme et la nature. De ce dialogue naît la magie”, ajoute M. Djache Nzefa.

Une importante série de fétiches et de piliers sculptés est installée au cœur d’une scénographie qui imite la forêt, tandis qu’un film présente les danses rituelles associées à des funérailles royales, celles de la mère du chef.

On découvre que la “mafo”, mère du chef ou parente proche du chef dans la société bamiléké, peut le représenter à l’occasion de grandes cérémonies et a aussi autorité sur les notables. Dans cette société patriarcale, elle peut se joindre aux hommes, possèder son propre terrain, voire choisir son mari.

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