« Le Monde de demain »Arte - Jean-Claude LOTHER
« Le Monde de demain »Arte - Jean-Claude LOTHER

“Le monde de demain”, aux origines du hip-hop français et de NTM

Série "la plus chère" jamais produite par Arte, "Le Monde de demain" retrace avec fougue la naissance, dans les années 80, du hip-hop tricolore et du groupe de rap NTM, "papa" de la musique la plus écoutée de France, longtemps boudée par la télé.

Récompensée du Grand prix au festival lillois Séries Mania, cette série chorale en six épisodes de 52 minutes est lancée lundi 10 octobre sur arte.tv, avant une diffusion sur la chaîne franco-allemande à partir du 20 octobre, puis sur Netflix, son co-producteur.

Elle suit les jeunes Kool Shen et JoeyStarr, alias Bruno Lopes (joué par Anthony Bajon) et Didier Morville (Melvin Boomer), de leurs débuts dans le breakdance et le graffiti jusqu’à leurs premiers pas sur scène… Tout en mettant en lumière les autres pionniers de l’époque, tels que le DJ Dee Nasty (Andranic Manet) et sa compagne Béatrice (Léo Chalié) ou encore la graffeuse et danseuse Lady V (Laïka Blanc-Francard).

“C’est une histoire qui est éminemment collective”, a justifié devant la presse en septembre Katell Quillévéré (Réparer les vivants), co-créatrice de la série avec Hélier Cisterne (Le Bureau des Légendes), Vincent Poymiro et David Elkaïm (En thérapie).

Fruit de trois ans de travail, la série s’appuie sur des “centaines d’heures de témoignages et d’entretiens” avec ses protagonistes, très impliqués dans le projet, selon la cinéaste.

Kool Shen, JoeyStarr ou encore Dee Nasty ont ainsi “eu un droit de regard sur tous les épisodes (…) ont été présents sur le plateau, ont rencontré les acteurs et les ont coachés”, souligne-t-elle.

Rock et rap

De quoi renforcer cette reconstitution minutieuse, portée par le “travail gigantesque” de ses jeunes comédiens, invités à imiter jusqu’à la signature de leurs personnages.

A l’origine danseur de breakdance au sol, Melvin Boomer a par exemple “passé des heures et des heures” à s’entraîner “à partir d’une petite vidéo de JoeyStarr” ado, lui danseur debout, rapporte Katell Quillévéré.

Cette quête de fidélité s’est heurtée à de nombreuses difficultés, notamment aux réticences de certains artistes de l’époque.

Si Bando, pionnier du graffiti issu des beaux quartiers parisiens, s’est montré coopératif, son confrère Mode 2, à l’origine des pochettes des premiers albums de NTM, n’a lui pas autorisé l’utilisation de ses graffs.

La composition de la bande-originale a également entraîné de nombreux “deuils”, notamment pour des questions de droits. “Il a fallu faire un tri” en respectant un budget contraint, explique Hélier Cisterne.

La production a ainsi renoncé à Niagara mais s’est offert le titre Vitamine C, du groupe de rock expérimental allemand Can, pour un “billet de 20.000 euros”.

Car cette chanson “au solo de batterie quasiment permanent”, sur lequel dansait le jeune JoeyStarr au Trocadero, “raconte la transition” méconnue entre le rock et le rap, détaille Hélier Cisterne.

“Fenêtre de tir”

En outre, “on a entièrement recréé un morceau” avec Kool Shen, JoeyStarr et leurs premiers collaborateur DJ S et Reak, pour illustrer le premier concert du groupe de Seine-Saint-Denis.

C’est au détour d’une conversation avec Kool Shen, à l’affiche de Réparer les vivants (2017), qu’a germé le projet.

“On est tombé à un moment où Didier et Bruno se parlaient”, relate Hélier Cisterne, alors que les rappeurs aux rapports tumultueux préparaient leur retour sur scène.

“C’est cette fenêtre de tir dans leur relation, de nouveau fermée aujourd’hui, qui a permis” l’existence de la série et du film Suprêmes (2021) d’Audrey Estrougo, également consacré à leurs débuts, estime Katell Quillévéré.

En outre, le récent carton de la série Validé sur Canal+ a “prouvé qu’il y avait un public pour des fictions dans le milieu du hip-hop”, ajoute-t-elle.

De son côté, Arte, qui livre sa co-production “la plus chère” et la “plus risquée”, entend ainsi continuer à “créer des histoires qui bizarrement n’existent pas et manquent en France”, selon son directeur de la fiction, Olivier Wotling.

Signe que les temps changent, la plateforme Amazon dévoilera le 13 octobre la deuxième partie de sa série documentaire sur le rappeur Orelsan, l’un de ses plus beaux succès.

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