« Le Retour », de Catherine Corsini - Copyright Emmylou Mai - Chaz Productions

Intime et chahuté : “Le Retour” de Catherine Corsini au cinéma

La cinéaste Catherine Corsini livre mercredi en salles "Le Retour", un récit d'émancipation très personnel tourné en Corse, accompagné depuis sa présentation à Cannes d'une intense polémique sur ses conditions de tournage.

Deux ans après La Fracture, comédie dramatique tonitruante sur l’hôpital au temps des manifestations de Gilets Jaunes, la réalisatrice adopte un ton plus posé pour conter l’histoire d’une veuve et de ses deux filles, le temps d’un été sur l’Île de Beauté.

La mère, Khédidja (Aïssatou Diallo Sagna, une aide-soignante repérée pour La Fracture et qui confirme son talent d’actrice), est employée d’une famille recomposée et aisée de gauche, typique “de la société bourgeoise à côté de la plaque” que Catherine Corsini reconnaît aimer à critiquer, dans un entretien à l’AFP.

Ses patrons (Denis Podalydès hilarant en père au bout du rouleau et Virginie Ledoyen) lui proposent de les rejoindre en Corse pour les aider à garder leurs enfants qu’ils ne parviennent plus à tenir.

L’occasion pour les filles de Khédidja (jouées par deux quasi-débutantes, Esther Gohourou, repérée dans Mignonnes, et Suzy Bemba), de faire elles aussi le voyage et de passer un été au soleil, qui se révèlera plein de surprises sur leurs origines familiales.

Ce récit d’émancipation de filles métisses sur l’Île de Beauté, lumineux, entremêle enjeux sociaux, raciaux ou liés à l’orientation sexuelle, pointant avec finesse compromissions et contradictions de tous ses personnages.

Le film tire aussi sa justesse de sa dimension autobiographique : Catherine Corsini a également perdu son père tôt, à deux ans et demi, et a ensuite quitté la Corse avec sa mère “qui se sentait étouffer”.

Polémique

“Quand je vais en Corse, je me sens toujours comme une étrangère, pas complètement à ma place. J’avais envie de revenir à l’endroit où j’ai beaucoup pleuré”, explique la réalisatrice, qui a tourné sur les lieux de ses origines familiales.

“Je voulais faire de la Corse un personnage en soi”, poursuit la cinéaste. “Il y a une humanité qui transparaît à travers des clichés qu’on pourrait avoir les uns sur les autres” et que le film s’emploie à démonter.

Au-delà du propos du film, une intense polémique sur son tournage accompagne sa sortie, depuis sa présentation en compétition à Cannes.

Il n’a été sélectionné que tardivement sur la Croisette, après s’être vu privé de ses financements publics. En cause, la découverte qu’une scène explicitement sexuelle, simulée, impliquant une actrice de moins de 16 ans, n’avait pas été déclarée comme il se doit aux autorités.

Parallèlement, des dénonciations ont fait état d’un climat délétère sur le tournage, conduisant l’instance paritaire du cinéma, chargée des conditions de travail, à dépêcher une enquête et rédiger un rapport.

Dans un milieu du cinéma de plus en plus sensible aux risques de harcèlement et aux conditions de travail des équipes, Le Retour est devenu un point de fixation, la CGT Spectacle estimant que le sélectionner était “une insulte” aux équipes artistiques et techniques du métier et le Collectif 50/50 (engagé dans la lutte contre les violences et pour l’égalité hommes-femmes) y voyant un “signal dévastateur” pour le milieu.

De son côté, la production a reconnu une erreur administrative pour le tournage de la scène non déclarée, mais se défend avec véhémence de toutes les autres accusations, soulignant qu’elles n’ont pas eu de suites juridiques.

Face à l’ampleur de la polémique, la productrice Elisabeth Perez a dénoncé un “acharnement” contre le film, affirmant que “jamais Catherine (Corsini) n’a harcelé qui que ce soit”. A son tour, le distributeur, Le Pacte, est monté au créneau fin juin, en dénonçant une “condamnation injuste (du film sur la place publique) aboutissant à l’éradication d’une œuvre”.

Le film sera distribué dans 180 à 200 cinémas, a précisé le patron du Pacte, Jean Labadie, à l’AFP.

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