JoeyStarr en concert en 2018
JoeyStarr en concert en 2018 - Melanie Lemahieu / Shutterstock

“Je suis encore en construction” : JoeyStarr, metteur en scène à Avignon

En signant sa première mise en scène, JoeyStarr affirme avoir "beaucoup appris" sur lui-même, d'autant plus que cette pièce donnée au Festival d'Avignon porte sur les violences conjugales, un paradoxe au vu du passif du rappeur.

Le seul(e) en scène, intitulé Cette petite musique que personne n’entend, est écrit et interprété par Clarisse Fontaine qui s’est inspirée de son passé, marqué par la misogynie et les violences conjugales.

Aussi bien la comédienne que le rappeur, condamné plusieurs fois pour violences, notamment en 2009 contre une ex-compagne, savaient à quoi s’attendre.

“J’ai dit à Clarisse : “Tu es au courant qu’avec moi, on va se faire défoncer?”, raconte JoeyStarr, de son vrai nom Didier Morville, interviewé au Théâtre du Balcon, une des scènes du off d’Avignon.

La moitié du groupe NTM assure toutefois ne s’être pas soucié du qu’en-dira-t-on. “Mon problème, peut-être, est que je ne me pose pas trop de questions. Les bien-pensants, les moralistes, j’ai déjà eu affaire à eux quand je suis monté sur scène, ils ne m’intéressent pas. Si j’étais à leur écoute, je serai malheureux”.

“Education biaiseuse”

Le rappeur, nommé deux fois aux César pour ses rôles dans les longs-métrages de son ex-compagne Maïwenn, assure avoir été conquis par le “caractère dérangeant du texte”.

“J’ai eu effectivement des choses qui se sont passées il y a plus d’une vingtaine d’années et j’ai eu une éducation un peu biaiseuse qui fait qu’à 55 ans, je suis encore en construction”, confie-t-il.

“Me retrouver dans cette aventure raconte plein de choses sur moi encore, sur ce qui s’est passé, sur les gens. Ca parle de violence de la société”, ajoute JoeyStarr, qui a joué dans une vingtaine de films et une dizaine de séries télévisées.

Le choix, proposé par une amie en commun, interroge et a certainement troublé Clarisse Fontaine, qui cherchait “un regard d’homme pour équilibrer”  la pièce.

“Didier n’était pas forcément le choix le plus évident à mes yeux”, dit la comédienne. “Je sais que je suis très critiquée pour ce choix, je le ressens quand je fais du tractage dans les rues d’Avignon. Les réactions sont parfois violentes”.

“Mais j’ai envie de dire : avant de critiquer, venez voir la pièce”, insiste-t-elle.

Seule en scène, elle interprète un personnage tombé à plusieurs reprises sous l’emprise d’hommes “pervers narcissiques” exerçant sur elle des violences physiques et morales.

“Il est devenu ma drogue, je suis devenue sa chose”, dit-elle. Des voix d’hommes enregistrées résonnent de temps en temps à travers cette pièce d’une heure, au décor simple. Des personnages masculins font irruption brièvement sur des projections vidéo.

“Je dis à la fin que rien n’est plus fort qu’une femme qui tombe, qui tombe, et qui se relève, car je veux envoyer le message qu’on peut s’en sortir”, dit-elle.

JoeyStarr confie avoir été “touché” par l’enfance très stricte de Clarisse. Sans ressembler à la sienne, elle “résonnait avec le legs de mon père qui n’était pas un mec classe”, en référence aux mauvais traitements reçus quand il était petit.

La salle avignonnaise peine à remplir pour ce spectacle créé il y a quelques mois à Saint-Malo, mais le public semble ému. “Ca fait du bien”, lâche une spectatrice.

“Il y a le fils d’une femme victime de violences qui est venu me dire : “Vous avez mis des mots sur des choses que je ne comprenais pas de ma mère”. C’était très fort pour moi”, raconte Clarisse Fontaine.

JoeyStarr voudra-t-il écrire lui-même une pièce ? “Je suis trop fainéant pour ça”, lâche-t-il. “Mais peu importe le support : le rap, le roman… J’aime encore écrire car la parole peut changer les choses”.

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