Le Festival d'Avignon - LI SEN / Shutterstock
Le Festival d'Avignon - LI SEN / Shutterstock

A Avignon, quand le théâtre devient synonyme de marathon

Ils interprètent deux à trois rôles par jour et trouvent même le temps d'échanger avec leurs fans ou de faire du tractage : William Mesguich et Pierrette Dupoyet sont des marathoniens du théâtre, au "off" d'Avignon.

Mesguich, la métamorphose

Pour le comédien et metteur en scène William Mesguich, 51 ans, avec cinq spectacles, dont trois dans lesquels il joue quotidiennement, c’est à chaque fois “4 heures 50” quasi continues sur les planches.

“J’arrive à passer d’un monde à l’autre très rapidement”, raconte-t-il à l’AFP entre deux représentations. “Je n’ai pas besoin de beaucoup de temps de concentration, le temps du maquillage suffit”.

Pour cette édition 2023 (il vient à Avignon depuis 1996), il est d’abord le Docteur Victor Frankenstein, dans Frankenstein, d’après le roman de Mary Shelley. Puis, seul en scène dans une adaptation de Dans les Forêts de Sibérie de Sylvain Tesson. Enfin, il se transforme, dans Richard III de Shakespeare, en meurtrier sanguinaire au visage déformé et regard glaçant, comme possédé.

S’ajoutent une présence auprès des comédiennes des deux spectacles qu’il met en scène, des moments de tractage dans les rues d’Avignon et une aide au montage des décors avant chaque représentation.

Fils du metteur en scène Daniel Mesguich, il a à son actif une cinquantaine de pièces montées. Pour lui, la préparation a surtout lieu le reste de l’année : “C’est un entraînement de centaines d’heures. La mémoire, c’est un muscle, il faut l’exercer”, détaille le comédien, qui apprend ses textes dans les rues de Montmartre à Paris, où il habite.

“Je passe deux, trois, quatre, cinq, six heures à arpenter les rues, avec ces mots, ces phrases. Je les macère, je les proclame, j’expérimente le rythme, souvent tard le soir”, déroule l’acteur, qui privilégie des repas à base de “pâtes et de sucres lents”.

Sa carrière de footballeur (30 heures hebdomadaires de foot entre ses six et 21 ans) n’a pu se réaliser, en raison d’une blessure à une jambe. Mais “ça m’a appris cette endurance, cette résistance qui me sert incroyablement pour le théâtre”, confie-t-il.

Dupoyet, la vétéran

“Je joue à Avignon depuis près de 40 ans” : Pierrette Dupoyet, 73 ans, est un peu la doyenne des marathoniens au “off”.

“Jusqu’au Covid, je jouais trois spectacles par jour, seule en scène. Aujourd’hui, j’en joue deux, à 11 heures et à 16 heures”, précise la comédienne, qui incarne actuellement à Avignon, dans deux spectacles différents, la tragédienne Sarah Bernhardt et Louis Braille, l’inventeur de l’écriture tactile pour aveugles.

“J’ai une hygiène comme un coureur de fond: je ne bois pas d’alcool, je fais du tai-chi-chuan (art martial chinois) et, ça, depuis toujours. Vous ne me verrez pas avec un verre d’alcool à la main à minuit dans un bar à Avignon!”, rit-elle.

Lorsqu’elle avait un spectacle à 11 heures, un autre à 14 heures et un troisième à 16 heures, elle était “frustrée” de ne pas pouvoir parler avec ses fans.

“Je courais dans les rues et je me cachais car, si on me demandait des dédicaces, j’arrivais au deuxième théâtre et je voyais déjà la file d’attente!”, se souvient cette comédienne tombée amoureuse du théâtre à l’âge de 15 ans.

Sa vie est un marathon en soi : elle s’est produite dans 70 pays, de la Nouvelle-Zélande aux Etats-Unis, en passant par l’Ouzbékistan et le Liban, incarnant différents personnages historiques (Colette, George Sand, Maupassant, Rimbaud, etc.) ou abordant des sujets de société.

A la fois autrice, metteuse en scène et comédienne, elle continue de faire beaucoup de tournées en France, sur scène mais aussi à l’école et dans les prisons.

“Je joue 200 dates par an. C’est pour cela qu’Avignon ne me fatigue pas plus que ça!”, s’amuse-t-elle.

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