La Cie Les Deux Hiboux dévoile la face cachée du "sugar dating" : une comédie grinçante qui éveille rires et réflexions. "Sugar Baby", c'est une plongée saisissante dans l'amour, l'argent et les relations au 21ème siècle qui ne laisse personne indifférent. Une comédie incontournable qui secoue les consciences ! Yoomi a voulu en savoir plus et a rencontré la compagnie !
Pouvez-vous vous présenter ?
Nous sommes la Cie Les Deux Hiboux, compagnie basée à Paris, que l’on a crée en 2018. Notre spécialité est de prendre des sujets sociaux difficiles, voire même tabous pour certains, et de les mettre en scène, sans jugement ou complaisance. Nous montrons la chose telle qu’elle est, sans jugement et sans moquerie, et nous laissons le plaisir au public de se faire soi-même son opinion.
C’est quoi une “sugar baby”/ un “sugar daddy” ?
Le sugar dating est une forme de prostitution particulière où un homme d’âge mûr, un sugar daddy (ou une sugar mamma) va entretenir contre une somme d’argent, des services, ou des cadeaux divers une jeune femme ou sugar baby. Un contrat s’établit entre les deux parties, où la sugar baby va donner de son temps et de son “affection” au sugar daddy contre des avantages. La très grande majorité du temps la sugar baby est une étudiante dans le besoin, qui vit dans la précarité, et qui a besoin d’argent, tandis que le sugar daddy est un homme plus âgé qui peut se permettre de payer chaque mois l’entretien de cette jeune fille selon ce qu’ils se sont fixés préalablement.
Quelques mots pour inciter à voir votre pièce ?
Sugar Baby est une comédie grinçante sur la thématique de l’amour, de l’argent, et des relations hommes/femmes au 21ème siècle, qui fait rire et réfléchir, tout en bousculant les vieux préjugés et les idées reçues. On n’en ressort pas indemne, tout comme nos personnages sur scène !
Quelle est l’histoire racontée par la pièce ?
Sugar Baby c’est l’histoire de François qui présente sa nouvelle petite amie, Marie, à un couple d’amis, Marc et Capucine. Marie est étonnamment beaucoup plus jeune que lui. Et jolie. Marc n’en revient pas et émet l’hypothèse que Marie est une sugar baby, une fille que François entretient. Excédé par le comportement désobligeant de Marc, François lui fait croire que c’est effectivement le cas. Cette première très mauvaise idée va entraîner une suite de quiproquos jusqu’à l’arrivée de Philippe, un cinquième invité connu pour ses frasques avec la gente féminine, et qui semble très bien connaître Marie… Ce qui devait être un tranquille dîner entre amis va tourner en jeu de massacre.
Quelles sont les thématiques abordées ?
Sugar Baby parle avant tout de la place de l’amour dans notre société au 21ème siècle, et confronte deux visions différentes de celle-ci. Une vision “bourgeoise” avec le point de vue de François, idéalisée et datée, et une vision plus pragmatique avec le point de vue de Marie.
Cette vision qu’a François de la prostitution, et qui ouvre sur le rôle de la femme dans les relations amoureuses, souligne également un autre sujet que Sugar Baby aborde : la mysoginie ordinaire de la France bourgeoise bien-pensante et moralisatrice.
Enfin, Sugar Baby parle de prostitution étudiante et de précarité. Car c’est bien la précarité qui force chaque année des étudiantes et des étudiants à devenir des sugar babies. N’est-il pas choquant de vivre dans une société où l’on doit se prostituer pour payer ses études, et plus globalement, survivre ? Doit-on sacrifier les meilleures années de sa vie pour espérer un futur meilleur ? Et après ça, peut-il encore exister des relations amoureuses désintéressées ? Et de dresser en toile de fond le portrait d’une société où l’argent est plus fort que l’amour, où l’amour devient un luxe réservé aux plus favorisés. Au regard de l’actualité qui tend vers une précarisation croissante de la population française, on peut faire le pari que le sugar dating, encore minoritaire aujourd’hui en France, sera la nouvelle norme de demain.
D’où vous est venue l’idée de cette pièce ?
Il était une fois une campagne publicitaire qui fit un petit scandale en France en mai 2017 : “Rich Meet Beautiful”, pour un site de rencontre bien particulier. Cette campagne de publicité invitait les jeunes étudiantes sans argent à préférer des relations sexuelles avec un homme riche plutôt que de contracter un prêt étudiant. Le plus désespérant est que des panneaux mobiles se déplaçaient au plus près de sa clientèle, devant les universités, racolant ainsi les étudiants les plus désespérés comme le ferait un proxénète. Dans un second temps, la défense hypocrite du fondateur du site nous a particulièrement échaudé où celui-ci affirme que le sugar dating n’est pas de la prostitution mais une relation bénéfique où les jeunes filles peuvent obtenir une vie facile et confortable. Nous nous sommes intéressés alors plus profondément au phénomène du sugar dating, et à ce que phénomène disait des relations amoureuses de notre époque. Nous vivons aujourd’hui dans un système qui corrompt tout par l’argent jusqu’au plus noble sentiment qui soit, l’amour. S’est créé ensuite en nous le désir de dénoncer cela sous une forme artistique avec pour finalité de traiter du sujet sans tomber ni dans le pathos, ni dans le jugement. Une comédie grinçante comme un signal d’alarme sur la situation actuelle des étudiants et du phénomène de sugar dating qui prend de plus en plus d’ampleur en France.
Est-ce bien une comédie ? Pourquoi employer le ton de la comédie pour parler d’un sujet pareil ?
Oui, Sugar Baby est une comédie qui fait rire avant tout ! Nous avons trouvé intéressant d’utiliser les codes du vaudeville, de la comédie de boulevard et de la comédie romantique, de les détourner parfois tout en gardant comme objectif de parler de sugar dating. On aboutit alors à une comédie, drôle, dynamique avec ses moments de vérité et ses moments dramatiques, une comédie qui fait rire et qui fait réfléchir. Nous sommes convaincus que nous pouvons mêler divertissement et prise de conscience, et que le rire n’est pas l’ennemi de la réflexion.
Qui sont les acteurs, et comment vous vous êtes tous rencontrés ?
Nous fonctionnons par casting, et nous ne sélectionnons pas automatiquement nos comédiens par affinités, ou parce que ce sont des ami·es. Après avoir passé plusieurs tours d’audition, il se trouve que tous les comédiens et comédiennes finalement sélectionnées faisaient partis de la même école de théâtre, l’Atelier Blanche Salant, et se connaissaient tous plus ou moins. Il faut croire que cette école de théâtre forme uniquement de bons comédiens !
Un petit mot sur la mise en scène ?
La mise en scène est typique de la comédie de boulevard, elle se veut dynamique et crescendo, et s’organise autour du dîner organisé par Marc et Capucine qui va tourner de plus en plus au drame. Nous avons également pris quelques effets propres au cinéma, avec des flashbacks et des arrêts sur image, et autres curiosités venant directement de l’imaginaire de nos personnages. Sugar Baby est une comédie mais avec des surprises !
Où se situe la pièce ? Nous sommes dans l’appartement de Marc et de Capucine, un intérieur bourgeois, où tout est à sa place, où s’affronte indirectement les passions de ces deux personnages : Francis Cabrel pour Marc, et la Mongolie pour Capucine, symbolisant indirectement la mésentente actuelle que traverse leur couple. Un appartement chic que ne peut même pas espérer avoir en rêve un étudiant précaire et obligé de subvenir à ses besoins par le sugar dating.
Qu’avez-vous ressenti lors de la première représentation ?
La grande peur de monter une pièce sur un sujet sociétal fort et sensible, c’est la réception du public. Vont-ils comprendre le second degré ? Ou le premier degré ? Sommes-nous à côté de la plaque ? Va-t-elle suffisament loin dans son propos ? Faisons-nous l’apologie du sugar dating sans nous en rendre compte ? Ou la critique des féministes ? Bref, on ne sait jamais comment le public va recevoir un propos artistique. Heureusement, nous avions préparé en réalisant une lecture de la pièce en janvier 2022, où nous avions recueilli des retours positifs, et surtout l’assurance que nous ne flirtions pas avec ce que nous voulions dénoncer : la misogynie et l’intolérance. C’est ainsi que dès la première représentation, nous avons pris beaucoup de plaisir car libéré de ce “petit” stress !
Comment le public réagit à votre pièce ?
C’est une pièce qui fait rire avant tout, mais qui fait rire différemment chaque génération. On ne voit pas Sugar Baby de la même façon selon son âge. Notre public de vingt ans n’a pas la même opinion sur la pièce que notre public plus âgé, il y a donc souvent débats et confrontations de point de vue après. Mais le pari est gagné : le public passe un bon moment tout en étant plus sensible à la réalité des sugar babies.
“Sugar Baby”, à la Folie Théâtre (6 rue de la Folie-Méricourt, 75011 Paris) jusqu’au 22 juillet puis le 15 août au festival Fourberies en Scènes : https://www.festivallafourberieenscenes.com