Bélizaire
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L’histoire de Bélizaire, un garçon noir effacé d’un tableau et resté oublié pendant un siècle

Le Metropolitan Museum de New York vient tout juste d'acheter ce tableau datant du XIXe siècle, dont les travaux de restauration ont révélé la présence d'un adolescent noir caché sous une couche de peinture. Une découverte importante pour l'histoire politique et culturelle américaine.

Bélizaire : l’incroyable story

Voici l’histoire de Bélizaire et les enfants Frey, une ancienne toile parmi tant d’autres, dépeignant des enfants sans nom. Le tableau est attribué au peintre français Jacques Amans, établi à la Nouvelle-Orléans dans les années 1840. Pendant près d’un siècle, cette peinture a été laissée à l’abandon dans le sous-sol d’un musée d’art de La Nouvelle-Orléans avant d’être mise aux enchères. Cependant, elle dissimulait un secret : un quatrième protagoniste, autrefois présent dans la scène, a été effacé par une couche de peinture, ne laissant qu’une ombre derrière lui. Ce garçon, c’est Belizaire, un jeun esclave noir au service du riche banquier Frederick Frey.

Il s’agit de “l’une des rares peintures du XIXe siècle à représenter correctement une personne réduite en esclavage”, comme l’a souligné Jeremy K. Simien, collectionneur d’art. Cet historien et collectionneur a rapporté au New York Times qu’il avait déjà en sa possession la toile restaurée lorsque, par hasard, il est tombé sur une image de l’œuvre où le jeune enfant noir était absent. “Le fait que le petit garçon ait été effacé… cela m’a profondément touché”, a raconté cet expert, qui est lui-même d’ascendance africaine.

Le “voyage fascinant” de cette peinture dépeint “l’effacement des figures noires à travers l’histoire du pays”, comme il l’a expliqué dans un mini-documentaire réalisé par le New York Times. Dans ce documentaire, il s’entretient notamment avec Eugene Grasser, un descendant des enfants blancs représentés dans le tableau. “La famille avait un esclave favori”, se souvient Eugene Grasser dans son salon. “Il a été ajouté au portrait puis effacé un jour, sans que l’on sache pourquoi.”

Quel impact pour la société actuelle ?

En 1972, la mère d’Eugene Grasser a offert le tableau au musée d’art de la Nouvelle-Orléans, où il est resté en réserve pendant trente-deux ans. La propriétaire a informé l’équipe du musée qu’un jeune garçon noir avait été effacé du tableau. Cependant, le musée n’a pas pris cette information au sérieux et n’a pas entrepris de restaurer l’œuvre ni son récit. Pour Mia L. Bagneris, universitaire, le reléguer ainsi hors de la vue du public relève d’une “négligence académique” qui met en lumière le traitement réservé aux personnes noires dans l’art et la société américaines.

Malheureusement le dénouement de l’histoire de Bélizaire n’a pas pu être reconstitué On ignore les détails de sa mort et s’il a jamais connu une vie en liberté. Aujourd’hui, le tableau le représente, porte son nom et est fièrement exposé dans la collection permanente du Met Museum, l’un des musées les plus prestigieux du monde. Betsy Kornhauser, conservatrice du musée, souligne la rareté d’une représentation aussi authentique de personnes réduites en esclavage.

Alayo Akinkugbe a récemment partagé l’histoire de Bélizaire et des enfants Frey sur son compte Instagram @ablackhistoryofart. Elle met en évidence l’importance du tableau et l’impératif de remettre en question l’Histoire qui nous est présentée de manière toute faite dans les musées et les grandes institutions. “Je pense que tous les musées devraient commencer à explorer leurs réserves”, ajoute Jeremy K. Simien, convaincu que de nombreux autres tableaux, restés dans l’ombre, ont encore beaucoup à nous apprendre sur notre passé.

Via Télérama

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